• Les observateurs et la presse sont unanimes : l’apparition de Hassan Nasrallah lors de la manifestation de lundi dans la banlieue sud de Beyrouth pour protester contre le film blasphématoire "Innocence des Musulmans", n’’était qu’une exploitation politicienne destinée à créer un écran de fumée afin d’occulter la crise syrienne et le programme nucléaire iranien. Mais dans le royaume de l’hypocrisie, Nasrallah vient d’être détrôné par son allié Michel Aoun.

     

     

    L’appel de Hassan Nasrallah à la mobilisation contre le film « Innocence des Musulmans » n’est pas innocent. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les banderoles et les slogans de la foule massée lundi soir dans la banlieue sud de Beyrouth. Les partisans de Nasrallah n’avaient qu’un mot d’ordre : dénoncer les Etats-Unis et distribuer louanges et allégeance à Bachar Al-Assad et à la République islamique d’Iran. L’apparition de Nasrallah en public, pour la première fois depuis 2008, en bravant tous les dangers, atteste que l’objectif recherché était plus important que les risques encourus.

    Avec intelligence, et grâce au film islamophobe, Nasrallah a tenté, avec un succès relatif, de ressouder ses partisans, affectés ces derniers mois par une succession de scandales, et à se refaire une nouvelle virginité. Mais autant ses adversaires que les observateurs arabes et étrangers constatent, unanimement, que pendant que Nasrallah défendait le Prophète Mahomet, ses partisans scandaient des slogans favorables au président syrien qui, lui, non seulement fait assassiner tout Syrien refusant d’insulter le même Prophète défendu et de le remplacer par Bachar al-Assad, mais aussi détruit les mosquées, dynamite les minarets et bombarde les églises. En un mot, Assad détruit sciemment toute référence à l’Islam et à la religion sans susciter la moindre réaction du Hezbollah. Bien au contraire, le Parti de Dieu lui fournit combattants, fuel et armes...

    Les détracteurs de Nasrallah s’interrogent : « comment le secrétaire général du Hezbollah peut-il défendre la religion, tout en cautionnant les pratiques de ses partisans et miliciens, pratiques foncièrement contradictoires avec les valeurs de l’islam, de toutes les autres religions, et de l’humanité ? » Il en va des enlèvements, des demandes de rançons, des trafics de drogues, de blanchiment d’argent, de vols avec violence...

    N’étant pas à une contradiction près, Nasrallah a demandé qu’une loi internationale soit votée afin d’interdire toute atteinte aux religions monothéistes. Mais pourquoi ne commence-t-il pas par appliquer les résolutions internationales déjà existantes et par s’y conformer ? Pourquoi ne livre-t-il pas ses quatre partisans recherchés par le Tribunal international pour leur implication présumée dans l’assassinat de Rafic Hariri ? Pourquoi n’applique-t-il pas la résolution exigeant le désarmement de sa milice, ou celle qui stipule l’arrêt du trafic d’armes à travers la frontière ? Pourquoi ne plaide-t-il pas pour tracer la frontière avec la Syrie et qui fait pourtant l’objet d’une décision des Nations Unies ?

    Pour toute ces raisons, la manœuvre et le discours de Nasrallah relèvent, sans nul doute, d’une exploitation purement politicienne n’ayant aucun lien avec la religion, encore moins avec le film incriminé. D’ailleurs, pourquoi Nasrallah avait-il laissé ses partisans commercialiser des chapelets alternant son portrait et les icônes des Saints libanais ? (voir la photo qui a fait scandale au Liban). Pourquoi n’a-t-il pas vu dans cet acte une agression portée à une religion monothéiste ?

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    Pourquoi Hassan Nasrallah a-t-il toléré que sa télévision « Al-Manar » diffuse, des années durant, les « Dou’aa » (الدعاء), ces prières qui demandent à Dieu d’assécher le sperme de leurs adversaires, de les affamer, de rendre stériles leurs femmes et de les exterminer ? Cet enregistrement d’« Al-Manar », ci-dessous, le prouve et dément autant Nasrallah que son angélisme opportuniste.

     

    Pourquoi Hassan Nasrallah a-t-il autorisé ses partisans de filmer et de diffuser des vidéo-clips en son honneur et à l’honneur de la résistance, dans une église et sur l’autel ? (voir la vidéo ci-dessous). Pourquoi a-t-il accepté que ses « disciples » fassent de lui un Dieu, en lieu et place du Créateur ? Ne fut-ce pas une atteinte à Dieu et au Prophète ? Ou tout simplement, Nasrallah s’adapte à la situation du moment pour mieux se servir de la religion et enflammé sacommunauté endoctrinée ?

     

    Mais, bien qu’il ait percé le plafond de l’hypocrisie, Hassan Nasrallah vient d’être détrôné par son allié, le général Michel Aoun. Depuis la signature de l’arrangement entre le Courant Patiriotique Libre (CPL) et le Hezbollah, en février 2006, Michel Aoun a toléré toutes les agressions de son allié, y compris les attaques meurtrières contre l’armée libanaise. Mieux encore, ce mardi 18 septembre, Aoun a fait l’éloge de Nasrallah qu’il a qualifié de « pompier qui a su et pu canaliser la colère contre le film islamophobe ». Et poussant l’hypocrisie à son paroxysme, Aoun a réagi aux déclarations du commandant des Gardiens de la Révolution iranienne, Mohammed Ali Jaafari, qui, en guise de menace, a reconnu que ses Pasdarans étaient stationnés au Liban et en Syrie depuis longtemps. Pour Aoun, « la presse exploite ces propos pour détourner l’attention et occulter la colère des peuples contre le film ». Il s’est demandé si quelqu’un a déjà vu et reconnu des Gardiens de la Révolution au Liban ?

    Le comble de l’hypocrisie reste ailleurs. Aoun a fait de la défense des Chrétiens et de leurs intérêts politiques son cheval de bataille. Mais au lieu de souscrire au projet de loi électorale qui semble idéal pour une meilleure représentativité des Chrétiens en particulier, et qui respecte le mieux les critères démocratiques en général, Aoun continue de défendre les grandes circonscriptions et le scrutin à la proportionnelle, par liste. Il cherche à faire élire ses candidats sur les listes du Hezbollah. Il s’agira alors de députés chrétiens élus par les musulmans.

    Or, les experts constitutionnalistes sont unanimes : le découpage par département ou caza (القضاء) et le scrutin uninominal feraient élire de véritables représentants au Parlement, contrairement à la proportionnelle appliquée aux grandes circonscriptions. Bien que cette option, ou l’option intermédiaire (circonscriptions moyennes), aient été approuvées (dans l’ordre) par les représentants politiques chrétiens et par l’Eglise, Michel Aoun continue à les rejeter et, par un excès d’hypocrisie et d’opportunisme, il veut sacrifier les intérêts des Chrétiens pour satisfaire les siens, tout en prônant le contraire, avec une forte dose de démagogie.

    Hassan Nasrallah et Michel Aoun savent que leur survie politique dépend de celle de Bachar Al-Assad. Conscients que le régime syrien a entamé un naufrage irréversible, ils s’entraident pour maintenir leur tête hors de l’eau, mais se concurrencent sur le terrain de l’hypocrisie. Le premier, censé être un homme de religion, exploite celle-ci pour des fins politiques. Le second, censé être un militaire qui a prêté serment et promis à sa Patrie « dignité, sacrifice et fidélité » (emblème de l’armée libanaise), nage à contre sens. Il accepte l’humiliation, pratique l’opportunisme et vante son infidélité. L’hypocrisie n’a pas de limite.


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