• Fin d’une époque ? Arrestation de l’ancien ministre et porte-parole de Bachar al-Assad au Liban, Mic

     

    Sur ordre du Parquet général, les Forces de Sécurité Intérieure libanaises (FSI) ont perquisitionné, tôt ce matin, le domicile de l’ancien ministre Michel Semaha, dans le Metn (Nord de Beyrouth) et l’ont arrêté. Si le statut de ce très proche collaborateur et protégé de Bachar Al-Assad lui a toujours permis de bénéficier de l’immunité politico-judiciaire, son arrestation aujourd’hui est significative à plusieurs égards.

    Michel Semaha est l’un des plus ancien et plus fidèle agent syrien au Liban. Ses détracteurs l’accusent d’avoir infiltré les Forces Libanaises pour se rapprocher de l’ancien président Béchir Gemayel pour le compte de la Syrie. Selon cette hypothèse, il aurait ainsi pu faciliter l’assassinat du président, élu le 23 août 1982 et tué le 14 septembre de la même année, avant même d’entrer en fonction. Semaha fut alors conseiller d’Elie Hobeïka et architecte de l’accord tripartite imposé par la Syrie en 1985, avec la bénédiction de Michel Aoun, alors commandant en chef de l’armée. Le renversement de Hobeika a permis aux souverainistes, à leur tête Samir Geagea, de mettre en échec cet accord.

    Semaha a continué à jouer un rôle dans l’entourage d’Elie Hobeïka et de Michel Aoun, pour le compte de Damas. Et après la mainmise syrienne sur le Liban, au terme des aventures militaires de Michel Aoun, en 1989 et 1990, Semaha, au même titre que Hobeïka, a été récompensé et propulsé ministre de l’Information, avec la mission de museler la presse libanaise et de domestiquer l’opinion publique, afin de normaliser l’occupation syrienne...

    Depuis le déclenchement de la Révolution du Cèdre, en 2005, au lendemain de l’assassinat de l’ancien premier ministre Rafic Hariri (meurtre qui s’est ainsi ajouté à ceux, commis directement par le dispositif syrien au Liban, ou indirectement par les organisations terroristes créées et financées par Damas, comme les assassinats de Béchir Gemayel, Kamal Joumblatt, le mufti Hassan Khaled, le président René Mouawad entre autres...), Semaha a été propulsé conseiller médiatique de Bouthaïna Chaabane, proche collaboratrice de Bachar Al-Assad, et fut chargé de discréditer le Tribunal international pour le Liban. Pour y parvenir, Semaha a créé plusieurs sites internet dont la particularité tient à l’impressionnante quantité de mensonges brassés. Il fut également cité dans les enquêtes libanaise et internationale qui tentent, depuis l’automne 2004, d’élucider la série d’assassinats politiques commis au Liban, une série qui n’a pas épargné les journalistes. Le nom de Semaha fut alors associé à ce terrorisme d’Etat qui a tenté, et qui tente toujours, de décapiter les souverenistes de « l’Alliance du 14 mars ».

    Bien que Semaha ne soit pas le seul agent syrien au Liban, il fut l’un des mieux protégés parmi eux. Son statut, officiel ou officieux, de conseiller de Bachar Al-Assad, lui assurait une protection face à toute épreuve. Pour ses détracteurs, il est accusé de haute trahison, à l’instar de ses semblables, qui vantent leur amitié, leur proximité et leur fidélité à la Syrie... De ce fait, son arrestation, ce 09 août 2012, est significative à plusieurs égards.


    D’abord, l’arrestation de Semaha signifie la fin de l’immunité dont il bénéficiait jusque-là. Ce qui suppose, indirectement, le début de la fin de ses maîtres et employeurs. En un mot, Semaha est ainsi la première victime naturelle de la chute du régime syrien.


    Ensuite, l’arrestation de Semaha serait liée, selon les fuites dans les médias libanais de ce matin, à une opération terroriste en préparation (pour le compte des services syriens). Ces informations confirmeraient alors son rôle dans les attentats, assassinats et tentatives d’assassinats commis dans le passé, proche et lointain, et dans la propagande médiatique destinée à perturber les enquêtes et à discréditer la justice libanaise et internationale.


    Troisièmement, l’arrestation de Semaha pourrait avoir des conséquences dramatiques sur les institutions libanaises. Car, il est légitime de s’interroger sur les divergences qui ne manqueront pas de resurgir au sein du gouvernement, contrôlé par le Hezbollah et les autres alliés de Semaha. Comment la classe politique va-t-elle gérer les contradictions entre une Sûreté générale littéralement alignée sur Damas, et les FSI, seul corps sécuritaire encore épargné et qui a procédé à l’interpellation de Semaha dans son lit ?


    Enfn, il est permis de s’interroger sur la réaction des pro-syriens face à cette arrestation ? Laisseront-ils à Semaha le temps et le loisir de les dénoncer ? Procéderont-ils à son élimination préventive, à défaut d’obtenir sa libération rapide et la clôture de son dossier ? Assisterons-nous, dans les prochains jours, à une multiplication des arrestations dans ce milieu, visant les partenaires de Semaha (dont notamment Nasser Qandil et Wiäm Wahhab, ainsi que des journalistes auto-proclamés chargés de la propagande pro-Assad...) ? Ou au contraire, auront-ils le temps de s’enfuir ?

    Les prochains jours seront sans nul doute très riches en rebondissements. Le Liban est plus que jamais dans l’œil du cyclone. Il est menacé par l’onde de choc du séisme syrien. Mais l’espoir n’est pas interdit, comme le prouve la levée de bouclier face au projet de loi électorale et de découpage des circonscriptions proposé par le gouvernement. En proposant des législatives à la proportionnelle dans de grandes circonscriptions, le gouvernement entend favoriser le Hezbollah et ses alliés (le Courant Patriotique Libre de Michel Aoun notamment, qui ne pourra gager que grâce aux voix chiites) pour renforcer leur contrôle du Liban, dans l’après-Assad. Mais ce projet de loi est rejeté par l’ensemble des Libanais. Une nouvelle majorité pourrait se former au Parlement, issue de la Révolution du Cèdre qui n’est pas morte. Au contraire, elle puise sa puissance dans sa foi, de son attachement à un Liban libre et souverain, et compte surfer sur les incohérences de ses adversaires et sur l’affaiblissement de leurs commanditaires régionaux.


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